journal en commun - Automne 2022 / N°4

« En 1206, l’église de la Corroirie fut consacrée par Jean Sans Terre et l’archevêque de Paris » nous glisse Geoffroy, alias Jeff, de Mareuil, propriétaire de ce château-monastère. Télescopage temporel : ce samedi soir, 10 septembre 2022, l’église fortifiée fait office de cantinedressing pour des artistes électro qui ont investi cinq hectares de ce domaine immense. Car pour la deuxième fois depuis 2019, le Sarcus Festival et ses DJ ont pris leurs quartiers de fin d’été (du 9 au 11 septembre) dans cet espace extraordinaire de forêts, de champs et de vignobles. Et c’est donc à un vol de barrique du domaine viticole de la Folie Douce – ça ne s’invente pas – que la planète électro a donné du beat nuit et jour dans le cadre de cet événement « lié à la nature ». Et pour tous les genres ou presque : dub, ambiant, disco, funk, techno… Festival branché et déconnecté « Nous attendons entre 2 000 et 2 500 personnes venues de France et d’Europe », prévoyait Noé Thoraval, responsable de l’association qui a créé l’événement en Picardie en 2016. La marée de tentes de camping laissait effectivement augurer une belle fréquentation. Le Sarcus, c’est une promenade entre DJ set, bar et food-trucks bio et locaux, installations végétales ornées de poèmes et spectacles vivants. Sous les arbres, 50 artistes musicaux se sont succédés aux manettes des platines-sonos. « Le Sarcus c’est un festival bienveillant et convivial » souligne Noé. Et pour qu’il le soit encore davantage, les festivaliers avaient l’obligation d’oublier leur portable à l’entrée trois jours durant. Cette déconnexion sied bien au lieu et au parti-pris environnemental des organisateurs. « Tous les artistes ont pris l’engagement de venir en train. » Entre Jeff de Mareuil, soucieux de faire vivre son domaine toute l’année et les organisateurs souhaitant s’y investir durablement, le courant ne pouvait que passer. « Je suis ravi par cette proposition qui me permet aussi de renouer avec mes passions musicales », conclut celui qui fut autrefois l’assistant de deux ténors du genre : Laurent Garnier et David Guetta. www.sarcus.fr Un festival électro qui attire les meilleurs DJ trois jours durant ? C’était lors de la 3ème édition du Sarcus Festival organisé du 9 au 11 septembre dernier au château-monastère de la Corroirie à Chemillé-sur-Indrois… mémoire commune « C’est quand même curieux d’arriver à 102 ans… Il n’y a pas de secret, c’est providentiel. » En quelques mots, tout est dit par Henri Thiennet, petit homme à béret recroquevillé dans son fauteuil. Entre temps, nous serons passés de sa cuisine-cocon à sa chambre-salon « plus confortable ». En cette fin d’après-midi, les bras d’un soleil amical traversent l’espace d’une fenêtre à l’autre pour le réchauffer. L’ouïe d’Henri se limite à une oreille, mais la mémoire est au rendez-vous. Il lui faut juste le temps - ses silences émailleront l’entretien - d’aller la repêcher dans les méandres d’une vie jamais rassasiée de connaissances. Un livre en témoigne d’ailleurs intitulé Mémoires d’un vieux terroir dans le Sud Tourangeau *. Il rassemble ses souvenirs d’enfance et ceux de sa vie de paysan, aussi les légendes sur sa commune située entre Berry et Touraine, ainsi qu’un inventaire des lieux-dits avec leur signification. Ce parcours est un vrai et authentique trésor sur la vie paysanne d’un siècle disparu. « Je n’ai pratiquement jamais quitté ma ferme. Je suis né au bout du village dans celle de mon grand-père. » Le village, c’est Bossay-Sur-Claise. La maison, celle qu’il a « achetée après la guerre, puis restaurée ». Avant cela, c’est un certificat d’étude obtenu à l’âge de 12 ans, puis huit mois dans les chantiers de jeunesse, un travail d’ouvrier agricole au service de son grand-père, puis de son père… En 1953, son mariage avec Marie-Thérèse qui l’a « beaucoup aidé. » Insatiable curieux Et en filigrane, comme un phénomène tellurique invisible qui alimentera constamment sa boussole intérieure, une insatiable curiosité. « J’ai beaucoup lu et je m’intéressais à tout, et voulais tout comprendre à fond. » La pointe de flèche préhistorique en silex trouvée par son père l’incite à chercher conseil auprès du journal le Réveil Lochois. Celui-ci le dirige vers le directeur de l’école Mirabeau à Tours avec lequel il va prendre l’habitude de prospecter dans les champs bosséens. Les haches polies et autres bifaces seront cachés « dans le jardin sous les planches de petit pois » lors de l’occupation… Quelques 900 pièces sont ainsi exposées au musée communal. Les 80 caisses supplémentaires ont pris le chemin du musée départemental du Grand-Pressigny. Le toujours membre honoraire de l’Association de préhistoire et d’archéologie de Bossay-surClaise (APAB) nourrit également une passion pour l’histoire locale. C’est ainsi que ses bulletins se sont mués en livre. « Mais il n’y en aura plus, ma mémoire ne peut plus », avoue-t-il dans un dernier rire qu’il semble souvent adresser à lui-même. Un secret de longévité avant de se quitter ? Peut-être celui du médecin qui lui avait conseillé de négliger « la charcuterie et les confiseries artificielles » au profit des légumes et d’un usage modéré de la viande… Conseil de centenaire. on les soutient ! Le Sarcus Festival en mode électro-médiéval Henri Thiennet, 102 années bien remplies *Edition du Centenaire-Editions La Simarre. Réédition par l’Association de préhistoire et d’archéologie de Bossay-sur-Claise (APAB). Disponible au Musée de préhistoire et d’archéologique de Bossay-sur-Claise ou à la Société archéologique de Preuilly-sur-Claise. Agriculteur, passionné d’histoire locale, Henri Thiennet a fêté ses 102 ans cette année. Avide de connaissances, il reste cet observateur de la nature et de son village de Bossay-sur-Claise qu’il n’a jamais quitté. Rencontre. Plus de photos sur cet article en ligne en scannant ce QR code ! cultures partagées en commun • automne 2022 21

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