Quels sont les secteurs où l’on manque le plus de professionnels de santé en Sud Touraine ? F. Lebeau : Actuellement, le Montrésorois manque de généralistes suite à deux départs. Et un départ supplémentaire est prévu à Genillé fin décembre. Le paramédical est plutôt bien pourvu, malgré un manque de kinés, d’orthophonistes et de dentistes, comme sur l’ensemble du Sud Touraine. Sur la pointe sud, Preuilly-sur-Claise, le Grand-Pressigny et Yzeures-sur-Creuse, on espère deux généralistes pour début 2025. Malheureusement, on manque de spécialistes en Sud Touraine. Il y a certes un cabinet de cardiologie à Loches, un dermatologue et un allergologue à Cormery, ainsi que 2 cabinets d'ophtalmologie, mais nous manquons surtout de créneaux de consultations spécialisées aussi bien en ville qu'à l'hôpital. Comment expliquez-vous cette carence de professionnels de santé dans le Montrésorois ? F. Lebeau : Les postes non remplacés entrainent une surcharge de travail très importante pour les médecins en activité. Cette difficulté à répondre à la demande de la population est moralement difficile à vivre et peut entraîner des départs. Il est compliqué de savoir dire non. Mais les journées ne sont pas extensibles et cette situation crée de la souffrance chez les professionnels. C. Beffara : Recevoir un potentiel remplaçant tout en éprouvant ce mal-être ne contribuera pas à lui donner envie de s’installer. Avec la CPTS, la Communauté de Communes fait tout son possible pour mettre en place de bonnes conditions d’exercice. Nous devons maintenir et renforcer cette offre locale de soins, à la fois pour notre population âgée qui augmente et pour tous les actifs. Par exemple, les futures maisons de santé pluridisciplinaires au Grand-Pressigny, Yzeuressur-Creuse et Preuilly-sur-Claise attireront des professionnels : la population est variée et de tels lieux contribuent à créer des échanges entre praticiens très appréciables en termes de conditions de travail. Comment expliquer le manque de médecins au niveau national ? Faut-il blâmer l’ancien numerus clausus qui a trop limité le nombre de médecins formés ou le refus, souvent, des jeunes médecins de s’installer en zone rurale ? F. Lebeau : Le nombre de médecins formés a augmenté trop lentement au cours des 20 dernières années par rapport aux besoins médicaux de la population. Or, le manque actuel de praticiens coûte cher à la société, car une moins bonne prise en charge accroit l’importance des pathologies. Aujourd’hui, nous payons aussi la durée de formation incompressible, entre 10 et 12 ans, entrainant un retard préjudiciable pour les patients. Nous formons de nombreux internes en région CentreVal de Loire, mais 50 % d’entre eux n’ont aucune volonté d’y rester à la fin de leur cursus ! Quelquesuns s’installent ici malgré tout, notamment sur certains secteurs du Sud Touraine. Dès lors, notre objectif est de donner l’envie aux professionnels de rester plutôt que de les contraindre. La télémédecine peut-elle être une réponse au manque de praticiens ? F. Lebeau : Nous sommes régulièrement sollicités par des prestataires, mais il s’agit d’un outil qui demandera toujours la présence d’un accompagnement médical. Selon moi, ces techniques sont synonymes de consultation dégradée. En médecine, on apprend qu’il faut être physiquement face au patient. Sans oublier la qualité de connexion au réseau qui ne permet pas toujours d’assurer une liaison satisfaisante... L’accent peut-il être mis sur la formation des jeunes issus du Sud Touraine pour favoriser leur implantation locale ? F. Lebeau : Il y a encore trop peu de jeunes du Sud Touraine qui souhaitent intégrer une école de médecine. C. Beffara : Nous avons beaucoup à faire dans ce domaine pour qu’ils s’autorisent à viser les filières médicales et paramédicales. C’est tout le sens d’un projet comme Terrecole dans le Montrésorois qui s’attache à ouvrir le champ des possibles aux jeunes ruraux. Vous parliez de donner envie, c’est donc le rôle de la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) du Sud Lochois ? C. Beffara : C’est un partenaire indispensable pour la mise en réseau des différents acteurs. La CPTS accueille par exemple des étudiants en santé. Les internes en médecine sont accueillis à l’hôpital de Loches et les internes présents dans les cabinets médicaux sont conviés à l’hôpital. C’est une chance pour notre territoire. F. Lebeau : Il est essentiel de montrer que nous travaillons tous ensemble pour dynamiser le territoire. Les Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP) de la pointe sud n’existeraient pas sans l’implication de tous les élus qui sont à l’écoute des professionnels et de la CPTS. Exemple à Saint-Flovier où les plans de l’extension de la MSP ont été revus sur les conseils de l’ophtalmologiste : les murs ont été déplacés pour respecter la distance requise pour son matériel. C. Beffara : On le voit bien, cette médecine coordonnée fondée sur une communauté de praticiens travaillant ensemble autour d’un projet partagé est très appréciée par les nouveaux venus. Elle participe à l’attractivité médicale de notre territoire et à la qualité de vie des praticiens, comme à Ligueil ou à Descartes où nous avons construit des maisons de santé pluridisciplinaires. Nous sommes également très engagés, dans le cadre de notre Contrat Local de Santé, pour l’accueil d’étudiants en médecine et paramédecine afin qu’ils puissent réaliser leurs stages de Service Sanitaire. L’occasion pour eux d’intervenir en groupe pour mener des actions de prévention auprès de différents publics de notre territoire. La présence du centre hospitalier de Loches est-elle un atout pour l’attractivité des médecins généralistes et des paramédicaux ? C. Beffara : L’hôpital est évidemment un atout primordial et c’est la raison pour laquelle nous soutenons son développement. F. Lebeau : De nombreux professionnels aujourd’hui installés en médecine de ville sont passés par cet hôpital lorsqu’ils étaient étudiants. Aujourd’hui, la CPTS organise un accueil commun pour les étudiants, qu’ils fassent leurs stages en médecine de ville ou à l’hôpital. Par ailleurs, les communautés médicales de ville et de l’hôpital ont de nombreux protocoles en commun, notamment sur la qualité et le parcours de soins, par exemple, pour éviter une hospitalisation longue. Nous avons également de très bonnes relations avec le CHU de Tours dont les professionnels interviennent régulièrement en Sud Touraine. Il est donc important de conserver notre hôpital en maintenant ces très bonnes relations. Si certaines parties du Sud Touraine manquent cruellement de médecins, le Sud Touraine est loin d’être un désert médical. Néanmoins, la situation exige vigilance et mobilisation de la part des élus locaux et des professionnels installés. Pour en parler, nous avons réuni Christine Beffara, vice-présidente de Loches Sud Touraine à la santé, et Frédéric Lebeau, médecin et président de la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) du Sud Lochois. Nous avons encore beaucoup à faire pour que les jeunes du Sud Touraine s’autorisent à viser les filières médicales et paramédicales. Frédéric Lebeau, président de la CPTS du Sud Lochois et Christine Beffara, vice-présidente Loches Sud Touraine à la santé réunis pour l’interview dans les locaux de la CPTS. entre générations en commun • automne 2024 17
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