journal en commun - Été 2022 / N°3

« Je veux aider mon ami.e », « je suis victime », « tu n’es pas seul.e », « tu as des droits »… La brochure aux couleurs vives de France Victimes 37 vient d’être déposée par Marie-Paule Carrey Le Bas sur la table devant laquelle défile la quinzaine d’élèves de 3e du collège du Grand-Pressigny. Ce matin, une fois encore, la juriste accompagne la comédienne et autrice Pascale Sueur venue interpréter son texte intitulé « La femme en rouge » dans le cadre du dispositif Action Jeunes-Stop Violences*. « Nous souhaitons les sensibiliser à cette violence physique et/ou psychologique subie par de nombreuses personnes, explique-t-elle. Sur 2 800 personnes aidées en 2021 en Indre-et-Loire, 7,5 % sont issues du Sud Touraine et 45 % de ces violences se produisent dans le cadre intra-familial. » L’histoire d’un homme Ce matin, à 10h, les ados prennent place face à l’estrade sur laquelle s’installera bientôt Pascale Sueur ; celle-ci a pris le soin de les avertir que « les situations évoquées par sa voix peuvent être violentes. » Il leur est même conseillé de sortir si certaines leur procurent trop d’émotion… Le silence s’installe, mélange de curiosité et d’appréhension pour les ados et les adultes postés en retrait. Puis l’histoire se dévoile lentement au fur et à mesure que la comédienne laisse place à Paul, ce quadragénaire à la vie pour le moins bancale et d’une tristesse sans nom. Elle alterne avec le petit garçon encore trop présent en lui. Celui que son père a terrorisé trop longtemps par sa colère dont il asphyxie également sa compagne. Spectacleexpérience De fait, l’assistance est plongée directement dans un univers cru à l’angoisse palpable. Ce spectacle vivant est réellement une expérience, une plongée au cœur du pouvoir abusif, de la vexation permanente et de l’humiliation calculée. Un dernier mot et Pascale Sueur sort de scène et s’isole un instant, nous laissant sonnés. « Ce n’est pas rien, hein ? », nous apostrophe la juriste dont le sourire coupe le dernier fil la reliant à cet univers brillamment incarné par la comédienne, « est-ce qu’on l’applaudit ? ». Cette histoire n’est pas tirée d’un fait divers, « mais c’est malheureusement le vécu de certains », précise ensuite Pascale Sueur. Celleci tient à remercier les élèves pour la qualité de leur écoute, « vous étiez vraiment avec moi. » « Entendre ça en vrai » La parole est maintenant aux collégiennes et collégiens… « Ça fait bizarre d’entendre ça en vrai », réagit l’un d’eux. Marie-Paule Carey Le Bas en profite pour rappeler que 125 personnes dont 102 femmes sont mortes dans ces conditions en 2020. « Tous les 2,5 jours, une femme est tuée par son conjoint et un homme tous les 13 jours. Sans compter celles et ceux qui sont violentés. » « Le petit Paul est une victime lui aussi parce qu’il voit ce que subit sa mère », lance une autre, « ça laisse des traces morales. » La juriste insiste en expliquant que l’imagerie cérébrale montre qu’un enfant témoin de violences familiales subit le même traumatisme que s’il avait vécu un bombardement. « Il peut porter plainte contre ça. Et s’il n’est pas pris en charge, le traumatisme restera. » L’échange se poursuit autour des différents types de violences subies : morales psychologiques, sexuelles, etc. La sonnerie retentit. La vie scolaire reprend son cours. Portée par la compagnie théâtrale « Le Rêve à l’Envers », cette action de prévention n’en est qu’à ses débuts. L’objectif : intervenir dans d’autres collèges et lycées pour sensibiliser un maximum de jeunes. *soutenu par le Fonds pour le développement de la vie associative 37 et le Conseil Régional Centre Val de Loire. le rêve à l’envers cie.lerevealenvers@orange.fr Violences de genre : solutions locales quand la parole d’une artiste interpelle les collégiens L’initiative Actions Jeunes-Stop Violences vise à sensibiliser les collégiens et les lycéens contre les violences faites aux femmes par le biais du théâtre. En première ligne : la comédienne et autrice, Pascale Sueur rencontrée pour l’occasion au collège du Grand-Pressigny. Ce spectacle est une plongée au cœur du pouvoir abusif, de la vexation permanente et de l’humiliation calculée. Marie-Paule Carrey Le Bas et Pascale Sueur à l’issue de la représentation, avec les collégiens du Grand-Pressigny agir ensemble en commun • été 2022 11

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